Jusqu’à une époque récente, trois théories se proposaient de résoudre le mystère du peuplement des îles du Pacifique et plus précisément des peuples océaniens et polynésiens. Des théories différentes et parfois assez étonnantes furent proposées. Les polynésiens venaient-ils de l’est ou de l’ouest ?
De multiples théories furent avancées afin de résoudre les mystères du peuplement des îles polynésiennes, certaines faisaient venir les Polynésiens de tous les points du globe, parfois de plusieurs lieux à la fois, ou bien ils apparaissaient sur place et leur continent s’engloutissait.
La théorie du continent engloutit
G.Forster, naturaliste accompagnant Cook lors de son troisième voyage, semblait croire que les peuples océaniens étaient apparus sur un continent, désormais engloutit dont seul émergerait encore le sommet des montagnes, du nom de Mu. Cette thèse fut reprise en 1841 par Dumont d’Urville.
Cette théorie a été, depuis, réfutée par la communauté scientifique, celle-ci ayant prouvé que ce continent n’avait jamais existé et que l’apparition simultané de l’homme en différents points du globe était improbable.
La théorie de l’origine amérindienne
Thor Heyerdahl, anthropologiste et explorateur norvégien, tenta de prouver en 1947 avec son expédition célèbre à bord de son radeau Kon Tiki – de Callao (Pérou) à Rangiroa (Tuamotu) en 101 jours- que les peuples polynésiens descendaient des peuplades sud-américaines.
Cette origine américaine a été reprise par les Mormons qui publièrent en 1963, une étude sur les possibilités d’une colonisation de la Polynésie par les anciens Américains ; cette étude visait à démontrer l’antiquité de la » Mormon diffusion « .
Cependant cette théorie avait déjà été réfutée en 1846 par Hale, et en 1866 par Armand de Quatrefages, grâce à des arguments linguistiques et archéologiques, mais aussi liés aux caractéristiques physiques, mœurs et coutumes. Cette thèse a elle aussi été abandonnée.
Ainsi la théorie désormais communément admise situe l’origine du peuplement de l’Océanie et de la Polynésie en Asie du sud-est tant compte tenu des similitudes linguistiques que de l’étude des vents, de la faune (chien, porc…) et de la flore….
Le peuplement des îles polynésiennes
Le mouvement migratoire s’est effectué en plusieurs étapes successives s’étalant sur plusieurs siècles.
Les premières vagues de peuplement du Pacifique débutent pendant la dernière glaciation (110 000 à 8000 ans avant notre ère). On pense ainsi que l’Australie, la Tasmanie et la Nouvelle-Guinée auraient vu les premières migrations de langues papoues en provenance d’Asie du sud-est entre 35 000 et 53 000 avant notre ère.
Puis vers l’an 4000 avant JC, des peuples de langue austronésienne venue de la région de Taïwan vinrent se mêler aux précédents, ce brassage donna ainsi naissance aux peuples dits de culture Lapita. Ce « complexe culture Lapita » se caractérise notamment par un type particulier de céramique finement décorée.
A partir de 1600-1500 avant JC, ce peuple s’est dispersé en Micronésie (archipel des îles Mariannes, Marshall..) puis en Mélanésie (Papouasie -Nouvelle Guinée, îles Salomon ..) jusqu’en Polynésie occidentale (Fidji, Tonga, Samoa) vers l’an 1000 avant JC.
Il faudra attendre encore un siècle pour que ce peuple polynésien ancestral reprenne ses migrations à la conquête du reste de la Polynésie. Les chercheurs admettent aujourd’hui l’hypothèse selon laquelle les archipels centraux (Cook, Marquises, Société) furent peuplés presque à la même époque. Cependant, c’est aux Iles Marquises qu’ont été retrouvés les plus anciens vestiges de civilisation que l’archéologue R.C. Suggs a daté de 150 ans avant JC. Cet archipel est toujours considéré comme le premier centre de dispersion des populations de la Polynésie orientale.
A partir de ces archipels, une nouvelle vague de migration débute, on estime ainsi le peuplement des îles Hawaii aux alentours de l’an 300-400 après JC, de l’île de Paques entre 400 et 500 après JC et de la Nouvelle-Zélande entre 700 et 800 après JC. L’archipel des Australes aurait été colonisé entre l’an 900 et 1000 après JC alors que le peuplement des archipels des Tuamotu et Gambier seraient datés du 12ème siècle (datation au carbone 14 aux Gambiers).
La Navigation
Le peuplement des îles polynésiennes est intrinsèquement lié à l’art de la navigation et à la connaissance des mers et du ciel. Si la tradition orale donne peu d’informations, on sait que les connaissances de la navigation des polynésiens reposaient en grande partie sur leur observation : utilisation des vents, des courants marins, du ciel, des migrations des oiseaux.
Pendant longtemps, la colonisation de la Polynésie par ces peuples a été attribuée à la chance, ceux-ci ne disposant d’aucun outil de navigation. Cependant leur connaissance exceptionnelle de l’environnement liée à une observation très perspicace des différents acteurs naturels leur ont permis d’entreprendre ces longs voyages à bord de leurs pirogues aux voiles triangulaires. De plus, ils mémorisaient les différentes étoiles par des chants et des noms leurs étaient ainsi attribuées ; il a été démontré que leur connaissance en ce domaine était très précise et fiable.
Par ailleurs, il est aujourd’hui établi qu’il existe une différence entre la navigation dans la zone tempérée et dans la zone tropicale, zone dans laquelle il est possible de naviguer à l’aide des étoiles uniquement. Par conséquent, compte tenu du type de navigation employée, navigation qui reposait également sur les forces et pouvoirs des dieux, il a fallu de nombreux siècles à ces peuples pour coloniser toute la Polynésie.
Ces migrations font des Polynésiens un grand peuple marin et leur attachement à l’océan ne s’est pas altéré au cours des siècles derniers.
Sources :
Nouveau regard sur les migrations polynésiennes – R.ARGOT
Ministère de la culture de Polynésie
L’île de Pâques est-elle l’île aux bêtises ? article de Michel ORLIAC
The Tahiti Handbook -Te Fenua – Jean-Louis SAQUET