Les îles de Polynésie sont toutes issues de phénomènes volcaniques créant des îles éparses et isolées, loin de tout continent. Aussi la plupart des plantes qui forment aujourd’hui une végétation luxuriante et diversifiée furent importées et acclimatées par les hommes en deux vagues successives.
- Les immigrants polynésiens d’une part, probablement venus d’Asie du sud-est, emmenèrent sur leurs pirogues les fruits typiques de cette région, nécessaires à leur survie en mer tels que bananiers, cocotier, arbre à pain… Ces fruits sont aujourd’hui considérés par beaucoup comme endémiques.
- Les colons européens d’autre part, amenèrent de nombreuses espèces récoltées tout autour du monde et les acclimatèrent avec succès. C’est ainsi que l’on peut trouver aujourd’hui dans les jardins, plantations et montagnes de Polynésie aussi bien des framboises venues d’Europe que des pastèques d’Afrique, des goyaves du Brésil et des pamplemousses de Bornéo…
Fruits importés par les Polynésiens
Banane
Il existe en tout 4 espèces de bananiers poussant dans nos îles dont 2 sont endémiques à la Polynésie et se mangent uniquement cuites (fei et meia), et 2 autres introduites par les Européens et dégustées crues (rio et hamoa). A part le fei qui pousse à l’état sauvage entre 400 et 1 000 m, les autres variétés sont cultivées un peu partout sur les plaines côtières des îles hautes.
Le tronc des bananiers a toujours été largement utilisé par les Polynésiens : embarqué sur les pirogues pour de longs voyages, il servait de fourrage aux bêtes ; entaillé, il produit une sève indélébile ; utilisé comme combustible, il alimente le four tahitien en vapeur d’eau essentielle pour éviter la carbonisation et ses fibres peuvent aussi servir pour le tressage. Ses larges feuilles peuvent servir de nappe et d’enveloppes aux aliments pour la cuisson au four tahitien.
Quant aux fruits du fei, il est particulièrement apprécié notamment au sortir du four Tahitien ou encore préparé sous forme de poe, sorte de pudding tahitien servi avec du lait de coco. Malheureusement, le fei se fait aujourd’hui de plus en plus rare et a cessé d’être l’aliment de base des tables les plus modestes en raison de son prix.
Nono
Tout comme le caviar était donné au poules avant de devenir le produit que l’on sait, les fruits du nono (ou encore noni) étaient donnés aux cochons jusqu’à ce qu’une société américaine en fasse un jus parfumé censé guérir ou au moins prévenir presque toutes les maladies. La culture du nono, autrefois buisson sauvage poussant au bord de l’eau, ne cesse de se développer dans tous les archipels pour fournir cette industrie florissante. Ainsi certains exploitants vont jusqu’à arracher leurs pieds de vanille, jadis véritable « or brun » des îles du Pacifique, pour planter des nono.
Aux temps anciens déjà, les Polynésiens utilisaient les fruits du nono pour soigner la piqûre du poisson pierre, poisson venimeux habitant les fonds vaseux du lagon, ou encore les angines. Les racines ainsi que l’écorce étaient utilisées pour teindre le tapa, sorte de tissu à base d’écorce.
Arbre à pain
Le destin du uru est bien singulier puisqu’il fut en effet au centre des convoitises au XVIIIème siècle. Plante considérée comme endémique (c’est-à-dire pré-européenne), elle fut découverte aux îles Marquises par le navigateur Quiros en 1595. Après le voyage de Cook, la renommée du uru ne cessa d’augmenter au sein de l’Empire Britannique : les planteurs des Indes (Amérique) réclamèrent bientôt des plants afin de produire une nourriture plus riche que le manioc et moins coûteuse que le riz pour nourrir les esclaves. C’est le capitaine Bligh, commandant de la célèbre Bounty, qui fut chargé de recueillir des plants à Tahiti pour les transporter aux Antilles. La mutinerie qui fit échouer l’expédition, rendue célèbre par le cinéma, fut provoquée entre autres brimades par l’ordre donné par Bligh de diminuer les rations d’eau de l’équipage afin d’arroser les jeunes arbres.
D’autres expéditions furent envoyées par la suite et des uru furent plantés aux Antilles mais jamais ils ne prirent une place comparable à celle qu’ils tiennent en Polynésie. On compte en effet plus de 25 variétés de uru en Polynésie : ronds, ovales, lisses, rugueux… et l’intérêt de cet arbre ne se limite pas à ses seuls fruits puisqu’il est aussi une plante médicinale très utilisée et son écorce permet la réalisation du tapa, sorte de tissu végétal.
Citron
Ce qui est appelé communément citron en Polynésie se rapporte en réalité à une variété pré-européenne appelée « limier » : c’est le taporo local dont le fruit de petite taille et quasi sphérique est utilisé pour la préparation du poisson cru. Le taporo popaa quant à lui (citron étranger) nettement plus gros et de forme allongée a été introduit par les Européens mais est peu cultivé.
Le taporo local plus résistant que l’oranger aux maladies et autres insectes ne fut malgré tout pas épargné et aujourd’hui la production étant inférieure à la demande, il faut en importer des Marquises et parfois même d’Australie. Quoi qu’il en soit, le citron local reste un élément très important dans la médecine traditionnelle puisqu’il rentre dans plus d’une vingtaine de préparations.
Mape
Originaire de Malaisie, le mape a sans doute été amené en Polynésie française par les premiers polynésiens en provenance d’Asie du sud-est. Cet arbre se caractérise par des contreforts qui se développent des racines aux branches sur les arbres les plus âgés.
Bouilli ou rôti, le fruit du mape, qui ressemble à la châtaigne, est un dessert très apprécié des Tahitiens qui le dégustent à toute heure. Des enfants vendent ces fruits cuits dans tous les rassemblements, notamment autour des marchés.
Fruits d’Amérique
Ananas
Le painapo (dérivé du mot anglais pineapple), est originaire d’Amérique du Sud et fut introduit par le célèbre capitaine Bligh qui commandait la non moins célèbre Bounty. C’est aujourd’hui la plante la plus cultivée à Tahiti, mais surtout sur l’île de Moorea où une usine de jus de fruits a même été construite pour transformer la production locale. La variété tahitienne est très épineuse, mais a un goût particulièrement prononcé et sa chair jaune est richement sucrée et parfumée.
Papaye
Si l’origine précise de cette plante est aujourd’hui inconnue car cultivée depuis des milliers d’années, elle a été découverte par les conquistadors en Amérique Centrale. Elle constitue avec la banane l’un des fruits les plus consommés en Polynésie française puisque sa production ne connaît pas de saison. Elle peut être consommée crue arrosée de jus de citron, ou cuite sous forme de poe notamment, sorte de pudding tahitien servit avec du lait de coco.
Elle a également de nombreuses vertus comme celle de faire disparaître les taches de rousseurs en appliquant le fruit vert écrasé, ou encore les taches de sang sur le tissu grâce à une décoction de feuilles. La papaye est enfin une mine de vitamines et ceux qui en font une cure bronzent légèrement puisqu’elle est riche en carotène.
Fruit de la passion
Originaire du sud du Brésil, du Paraguay et d’Argentine, le Fruit de la passion porte des fleurs hermaphrodites spectaculaires et des lianes dont les tiges se terminent en vrilles. Ses fruits sont emplis d’une substance jaune vif dans laquelle sont parsemées de nombreuses petites graines. Trois espèces de passiflore, sur une vingtaine d’espèces comestibles, sont cultivées en Polynésie française, notamment pour la fabrication de délicieux jus de fruits. La variété ronde et jaune vif est très répandue mais sa chair est souvent acide, alors que la variété à peau externe rouge grenat est beaucoup plus douce et se mange plus facilement.
Goyave
Originaire du Brésil, la goyave a été introduite à Tahiti au début du XIXéme siècle. Elle s’y est vite développé au détriment de la végétation endémique. Pourtant comme l’ont bien compris les Polynésiens, cette plante a à la fois de nombreuses vertus médicinales (ils l’ont ajoutée à leur liste de plantes médicinales) et des qualités gustatives indéniables. En effet, la « prune sableuse », comme la nommaient les Aztèques en raison des multiples graines de sa chair rose, permet de fabriquer des jus de fruits et des gelées d’une rare finesse. Malheureusement, cette plante poussant sur des collines escarpées et difficiles d’accès, son exploitation ne cesse de diminuer an raison d’un manque de main-d’œuvre.
Fruits d’Asie
Litchi et Ramboutan
Pour un œil non aguerrit, il est parfois difficile de différencier ces deux membres de la famille des Sapindaceae. Ils sont en effet caractérisés tous deux par une enveloppe rouge et un fruit blanc dont la pulpe est accrochée fermement au noyau. Le cerisier de Chine, appelé plus couramment litchi, est le plus apprécié des deux même s’il ne pousse pas aussi bien en Polynésie française que son cousin le ramboutan, car il préfère les climats un peu plus frais. Le ramboutan quant à lui est originaire d’Asie du Sud-est et son enveloppe est parée de « flammèches » absentes chez les litchi.
Orange
Ce sont les navigateurs qui introduisirent les premiers orangers en Polynésie. Les oranges produites étaient si bonnes et si juteuses que, très vite, les Tahitiens répandirent la plante aussi bien sur les côtes que dans les vallées et sur les hauteurs. Malheureusement, vers 1870 des insectes et des maladies détruisirent la plupart des plantations alors que 1 750 tonnes de fruits étaient exportés par an vers la Californie.
Aujourd’hui, les orangers sauvages ne subsistent plus que sur des plateaux isolés en montagne, notamment dans la Punaruu, à Tahiti, où elles font l’objet d’une cueillette rituelle en juin.
Carambole
Le « fruit étoile » est originaire d’Asie du sud-est et tire son surnom de sa forme en étoile à cinq branches lorsqu’on le coupe en tranches. Souvent un peu acide, la juteuse carambole n’est pas très prisée et elle finit souvent au pied des arbres qui la produisent, mangée par les oiseaux. Néanmoins, ses propriétés médicinales sont encore exploitées de nos jours en Malaisie.
Pamplemousse
Originaire de Bornéo, ce fruit a été introduit à Tahiti au début du XXème siècle et dès 1930, les premiers spécimens produisaient des fruits. Dans certaines plantations, le pamplemousse de Sarawak remplaça même l’oranger introduit quelques années auparavant et touché par des maladies et des insectes. Il est aujourd’hui l’un des fruits les plus communs de Tahiti et ses îles mais son acidité le rend peut apprécié des Tahitiens qui continuent à lui préférer les oranges. Ainsi, victime de surproduction, la plantation la plus importante de Tahiti a été remplacée par un terrain de golf.
Mangue
La vi popa’a (mangue étrangère), par opposition au vi Tahitien, est d’origine indo-birmane. Elle a été introduite à Tahiti en 1848 pour la première fois et a très vite été adoptée par la population locale qui se servait notamment de son tronc pour la construction de leurs pirogues. Après la banane, c’est le fruit tropical le plus produit dans le monde où l’on recense au moins 300 espèces cultivées. Les différentes variétés cultivées en Polynésie ne mûrissent pas en même temps ce qui permet de trouver des mangues toute l’année. Les arbres greffés fournissent des fruits bien meilleurs que les non-greffés dont les fruits ont souvent un goût de térébenthine très prononcé. La plupart des tahitiens apprécient le fruit encore vert ou mis à macérer avec des bonbons chinois.
Fruits d’Afrique
Noix de badamier
On trouve ce grand arbre de Madagascar au sud du Japon, en passant par les Fidji et la Polynésie. On doit cette dispersion naturelle à la propriété de ses noix de pouvoir flotter très longtemps en conservant leur pouvoir de germination. « L’amande indienne » comme on l’appelle parfois est bien meilleure grillée que crue. Ses feuilles, qui tombent toutes une fois par an, sont utilisées en médecine traditionnelle et son bois, résistant à l’eau, en ébénisterie et en construction navale.
Pastèque
Le melon d’eau, plus connu sous l’appellation de pastèque, est une plante rampante d’origine africaine. On en cultive essentiellement deux variétés, tout spécialement sur la ceinture corallienne qui enserre les îles de Maupiti et de Huahine : une petite ronde verte foncée, et une autre plus grosse et plus allongée à la robe verte claire marbrée. La pastèque, servie fraîche, est un véritable délice et étanche la soif.
Les Polynésiens se servent également de sa peau bouillie dans de l’eau de mer pour combattre les effets de la ciguatera, maladie transmise des algues aux poissons puis des poissons à l’homme.
Légumes de Polynésie
Taro
Avec le fei (banane) et le uru (arbre à pain), le taro faisait partie du trio gagnant composant les tables polynésiennes avant l’arrivée des Européens. En effet, le tubercule est très riche en amidon et les jeunes tiges (fafa) ainsi que les jeunes feuilles (pota) peuvent être mangées cuites avec du lait de coco, un peu comme le seraient des épinards avec de la crème.
Le taro peut être également préparé sous forme de popoi : le tubercule cuit et écrasé est conservé dans des feuilles de ti, et ce jusqu’à 3 semaines après préparation.
Patate douce
La patate douce est l’une des plantes à tubercule les plus cultivées au monde car elle pousse rapidement et facilement. De plus, sa chair, qui peut être rosée, blanche ou jaune, est riche en vitamines et minéraux. Les anciennes variétés polynésiennes ont aujourd’hui disparu et ont été remplacées par des variétés introduites de meilleure qualité gustative et nutritive, et aussi plus productives.
Manioc
A l’origine, le manioc n’existait pas en Polynésie : il fut importé d’Amérique du sud en 1850. Bientôt il remplaça avantageusement le pia, fécule traditionnellement utilisée pour la fabrication du poe (sorte de pudding de fruit) en raison de sa teneur en amidon. En effet, le manioc peut pousser sur des sols pauvres, demande peu de soin, préfère la saison sèche, sa racine est également comestible contrairement au pia et enfin le manioc a un rendement plus élevé que ce dernier. Mais depuis quelques dizaines d’années, la culture du manioc a été partiellement abandonnée et il faut désormais importer de l’amidon, souvent coûteux et de qualité médiocre, pour alimenter le marché local.
Igname
Il existe en Polynésie française 4 variétés d’igname existant avant l’arrivée des Européens. L’une des variétés, l’igname ufi, donne d’énormes tubercules pouvant peser jusqu’à 15 kg. Le principal intérêt de cette plante est sa période de récolte, en saison sèche, c’est-à-dire quand l’arbre à pain (uru) ne produit plus de fruits. Ainsi l’igname permettait à la population locale de subsister en faisant une transition entre les deux récoltes du uru.